Ouvrir un espace pour s’exprimer dans le quartier
L’Université populaire de la Villeneuve est un lieu d’échanges et de débats à partir des ressentis des habitant.es des quartiers Sud de Grenoble. Sa création répond à une urgence. En 2015, dans le contexte post-attentats, Modus Operandi y voit l’intérêt d’ouvrir un espace dans la société pour parler du racisme et des discriminations. Son implication est motivée par l’observation que chacun n’est pas égal dans sa capacité à se faire entendre dans la société.
L’Université populaire de la Villeneuve se donne comme objectif de prendre en compte des dynamiques de pouvoir qui marginalisent les voix des personnes racisées, des femmes, des classes populaires en ouvrant des espaces de parole pour permettre à chacun de s’exprimer et de valoriser ses savoirs. Les soirées débats fonctionnent comme des assemblées, soigneusement préparées par des groupes de travail thématiques, où différentes opinions peuvent se confronter dans le respect de chacun.e.
Thèmes
Depuis sa création, plusieurs cycles thématiques ont été proposés et Modus Operandi a participé à la mise en place de deux d’entre eux en particulier : le premier vise à comprendre les discriminations de certaines populations en France et la stigmatisation de certains quartiers ; le deuxième vise à répondre à la question « Que reste-t-il du passé colonial ? ».
Pour comprendre la France (2015 – 2016)
L’Université populaire naît dans un contexte particulier, celui des attentats contre Charlie Hebdo. A ce moment, la possibilité de s’exprimer pour les personnes perçues comme musulmanes se rétrécit rapidement. Les témoignages des personnes ainsi catégorisées qui reçoivent des commentaires plus que désobligeants à leur égard dans la rue, des réflexions au travail, à l’école s’accumulent et les inquiétudes par rapport à l’orientation que prend la société française montent. La création d’un espace de réflexion où ces inquiétudes pouvaient être partagées et pensées semblait particulièrement opportune.
Dans le contexte post-attentats est né en 2015 le premier cycle « Pour comprendre » qui a abordé des expériences de discrimination, de racisme et de stigmatisation des quartiers populaires. Dans ce climat de fortes tensions, l’objectif était d’inventer des formes innovantes d’animation et d’expression, permettant à chacun d’exprimer son opinion à la fois dans la confrontation et le respect. Divers intervenant.es permettaient d’apporter une autre forme de savoirs et quelques éclairages théoriques.
Productions
Pour comprendre les discriminations
« Pour comprendre les discriminations, l’islamophobie etc. » avec comme intervenants Abdelaziz Chaambi, président du Collectif contre le racisme et l’islamophobie (CRI) et Michel Kokoreff, sociologue et professeur à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, 20 mars 2015.
Pour comprendre les ZEP, ZUP, ZUS, ZSP
Intervenant Said Bouamama, 20 novembre 2015
Pour comprendre la liberté d’expression
Intervention de Hervé Ott, animateur de l’IECCC – Culture, Conflits, Coopérations, 20 mars 2016.
Version courte
Version longue
Que reste-t-il du passé colonial ?
Cercle de paroles « Que reste-t-il du passé colonial ? »
« Mémoires de la colonisation entre récits et tabous »
Soirée construite autour des témoignages des personnes proches du groupe de travail.
La France et ses colonies
Intervention de Claire Marynower, historienne et maîtresse de conférence à Science Po Grenoble, 10 novembre 2017.
La guerre d’Algérie, connaître les faits
Mini-cycle « La guerre d’Algérie, connaître les faits ».
20 novembre
« Le processus de colonisation jusqu’au début de la guerre d’indépendance », intervention de Antonon Plarier, doctorant à Paris 1, Panthéon-Sorbonne.
22 novembre
« La guerre d’Algérie en cinq dates importantes : 1945, 1955, 1956, 1958, 1961 », intervention de Abdelhamid Benhamida, professeur d’histoire-géographie à la retraite.
24 novembre
« Qu’est-ce qu’être ‘colon’ ou ‘colonisé’ en Algérie ? », intervention de Claire Marynower, historienne et maîtresse de conférence à Science Po Grenoble.
Quelles continuités de l’imaginaire colonial après 1960 ?
Intervention de Nasima Moujoud, maîtresse de conférences en anthropologie à l’Université Grenoble Alpes.
Repenser le monde avec Césaire, Fanon et Glissant
Intervention de Ali Babar Kenjah, chercheur associé à Modus Operandi
Peut-on parler d’une gestion coloniale des quartiers populaires ?
Soirée débat « Mixité sociale, injonction à vivre ensemble, quelle gestion pour les quartiers ?
Bacqué, professeure d’études urbaines à l’Université Paris Ouest, Pierre-Didier Tchetche-Apea, militant associatif, Guillaume Roux, chercheur à l’Université Grenoble-Alpes en science politique et Omer Mas Capitolin de la Plateforme « Stop contrôle au faciès »
Contre les discriminations, quels mots utiliser ?
Soirée débat « Contre les discriminations, quels mots utiliser ?
La Cordée (Grenoble) avec une présentation de la Fabrique de l’Altérité, suivi par un débat avec Nedjib Sidi Moussa, docteur en sciences politiques et auteur du « La Fabrique du musulman », Nadia Kirat, conseillère départementale de l’Isère et Herrick Mouafo, chercheur à Modus Operandi.
Vidéo « Sur les traces du passé colonial »
Après un an de débats sur la question « Que reste-t-il du passé colonial au présent ? », trois courtes vidéos visent à répondre à cette question. Elles ont été réalisées à partir des voix qui se sont exprimées à l’Université populaire dans le quartier de la Villeneuve, afin de les faire voyager en dehors du quartier, vers le centre-ville (bibliothèque), l’université (PACTE) et des communautés rurales car l’histoire coloniale n’est pas que de l’histoire. Elle est encore présente dans les mémoires de ceux ayant vécue cette période et de leurs enfants. Au-delà, cette expérience coloniale française a aussi forgé une mode de gouverner. La parole est ici aux participants de l’Université populaire de la Villeneuve. Nous avons vu que l’histoire peut être un outil pour penser au présent les douleurs, les rancœurs issues de l’épisode colonial au niveau individuel, mais aussi pour penser les rapports de la France avec ses anciennes colonies et les personnes issues de ces territoires au niveau collectif et social. Enfin, il s’agit de comprendre le passé colonial pour préparer un avenir vraiment décolonial.
Le passé colonial au présent, le projet
Que reste-t-il du passé colonial ?
Un avenir décolonial
22 novembre 2018
Projection et lecture théâtralisée « Vers les traces d’un passé colonial au présent », Bibliothèque centre-ville à Grenoble
30 novembre 2018
Projection et lecture théâtralisée « Vers les traces d’un passé colonial au présent », café associatif le TRUC à Saint Bernard du Touvet
Exposition « Images et colonies », février 2017
Dans l’optique de co-construire une réflexion et d’approfondir les connaissances existantes sur l’histoire de la colonisation, le projet a réuni une classe de L/ES du lycée Argouges et des étudiants de l’Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine autour de l’exposition « Images et colonies » réalisée par l’ACHAC.
Cette exposition montre comment les Européens, générations après générations, ont imaginé le monde colonial, l’Afrique et les Africains, en élaborant mythes et stéréotypes, le plus souvent fort éloignés de la réalité. Elle contribue à une meilleure connaissance d’une période dont les résonances continuent parfois d’agir de nos jours, notamment dans la représentation des rapports Nord-Sud. Elle permet également une véritable réflexion sur le rôle de l’image, qu’il s’agisse de photos en apparence anodines ou d’affiches plus clairement propagandistes.
Thèse « Subalterne en France. Une exploration décoloniale de voix, violence et racisme dans un quartier d’habitat social marginalisé à Grenoble. » 2021
Cette thèse se situe dans le projet critique qui vise premièrement à rendre visibles des réalités alternatives, restées jusqu’à présent sous le radar de la recherche en sciences sociales; deuxièmement il vise à faire de la place dans la recherche et l’écriture scientifique pour les voix des personnes rendues inaudibles dans la société plus généralement: en particulier celles des “jeunes du quartier” et des femmes musulmanes.
Récit de la thèse à News FM
Consulter le programme et les productions du cycle
Le passé colonial au présent (2017 – 2018)
Lors du premier cycle, nombreuses ont été les interrogations qui touchaient à la question du passé colonial. Ces interrogations concernaient notamment l’origine des discriminations dont les participant.es des rencontres témoignaient : la ségrégation urbaine et la concentration des personnes racisées dans certains quartiers de la ville, ainsi que la plaie ouverte de la guerre d’Algérie, les interventions militaires et les guerres actuelles. C’est dans ce cadre qu’est née l’idée d’organiser un cycle traitant la question du passé colonial.
Ce projet proposait un processus de réflexion impliquant à la fois des habitant.es du quartier issus de l’immigration post-coloniale et des personnes ressources en dehors du quartier ayant un vécu ou un savoir qui aideraient à répondre à la question «Que reste-t-il du passé colonial ?». A la fin du cycle des débats, deux productions, comme forme d’écriture collective, ont essayé de répondre à la question que le groupe de travail s’était posé au début : un texte pour une lecture théâtralisée (45min) et une vidéo de 30 minutes « Sur les traces du passé colonial ». Ces productions ont permis de faire voyager ces voix exprimées dans le quartier aux autres endroits, afin d’investir d’autres arènes.
Quelques retours des participants
Dans une émission de News FM Grenoble (avril 2016), plusieurs participant.es de la séance sur la liberté d’expression s’étaient exprimé.es sur l’intérêt qu’ils et elles voyaient de participer à l’Université populaire.
« Le concept même de la soirée, la disposition de la salle, le fait de séparer des gens en petits groupes de 5 à 6 personnes pour discuter des thèmes qui étaient proposés était très enrichissant. C’est un moment où on rencontre des gens avec qui on n’a pas forcément l’occasion de discuter en dehors de ce genre de manifestations. Il y avait un mélange d’origines, de religions, de cultures, voilà de générations. C’était très beau à voir. (…) »
« Ces soirées-là, en tout cas la soirée à laquelle j’ai assisté, ça nous a permis de parler en tant que personne, tout simplement, en tant qu’être humain »
« Bon, voilà, on voit que les gens, surtout les personnes âgées ont un peu plus d’inquiétude donc c’est aussi l’occasion de mettre cartes sur table pour pouvoir rassurer les uns et les autres, pour pouvoir échanger, pour pouvoir s’exprimer parce qu’on n’a pas toujours l’occasion de s’exprimer. »
« Cette soirée nous a apporté de l’espoir parce que c’est vrai que c’est un peu dur. (…) Il faut qu’on continue à parler, il ne faut plus qu’on se tait quoi. Je trouve que c’est vital maintenant. »
« Quand j’ai eu l’information, j’étais tout de suite partante parce que je trouvais que c’était une initiative courageuse. C’est rare ces initiatives. Il y avait des participants de toutes les couleurs, de toutes les origines et confessions. Ça m’a aussi posé des questions pour mes enfants et leur avenir dans la société française mais c’est rassurant qu’on puisse en débattre »
Partenaires
Organisateurs : Université populaire de la Villeneuve porté par Modus Operandi, Régie de Quartier Villeneuve – Village olympique, Villeneuve Debout
Production technique : La Petite poussée
Partenaires financiers : IDEX Université Grenoble Alpes ; Région Auvergne Rhône-Alpes à travers le programme ARC 7 ; DRAC Auvergne Rhône-Alpes ; Ville de Grenoble ; Grenoble-Alpes Métropole.
46, rue d'Alembert
38000 Grenoble - FRANCE
Tél. 04 76 49 03 24
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