« Dubliner », la fabrication normative d’une procédure violente
Type : Article dans la revue Ecarts d’identité
Autrices : Lison Leneveler, Séréna Naudin
Numéro : Arcanes de la haine
Le « règlement » Dublin est un instrument législatif dont s’est doté l’Union Européenne pour la gestion de l’asile. Concrètement, il se pose comme un obstacle aux personnes qui demandent une protection à l’État français en complexifiant l’accès à la procédure d’asile. Ce mécanisme législatif complexe et inintelligible est mis en œuvre via des pratiques brutales et discrétionnaires produisant alors une violence invisible envers les personnes à la recherche d’un refuge. A partir d’un atelier radio mené avec des personnes concernées, nous proposons une analyse située du point de vue de celles et ceux qui sont contraint·es de vivre la procédure Dublin afin de mettre en lumière ses effets concrets. Dans les faits, la fabrication d’une nouvelle catégorie juridique opère au classement et à la hiérarchisation des personnes qui demandent l’asile créant un traitement différencié et un climat d’instabilité juridique qui agit jusque dans la matérialité de leur vie. Le traitement par le contrôle, la prise en charge policière et la répression construisent la criminalisation et produisent l’illégalité des personnes, niant leur droits et les assignant à un parcours aussi incertain qu’angoissant. A l’image d’un piège, cette procédure les coince en les poussant au faux pas, en les contraignant à se soumettre à des normes juridiques et administratives incompréhensibles voire absurdes. Cette procédure « d’ennui » comme ils l’appellent, exacerbe des caractéristiques de la procédure d’asile : elle empêche l’autonomie des personnes concernées et rend leur installation impossible. Il en découle des sentiments d’humiliation et de stress quotidien. Pour autant, face à de telles violences à leur encontre, les personnes en quête de refuge ne se découragent pas et ne cessent de résister.
Date : novembre 2020